Autoportraits dans un bol de café
Ma recherche fait un bond, ma mélancolie est mise en déroute, enfin presque, ne jurons de rien, le jour où je comprends comment photographier le reflet de mon visage dans le bol de café que je bois le matin ou plutôt que je ne bois plus, rien qu’une tasse, c’est plus sage, réalisant une série de photos qui me permet ensuite de peindre des autoportraits dans le miroir d’un bol de café.
(…)
Il n’y a pas si longtemps, heureux de vivre à la campagne, d’être libéré du poids de la mélancolie, en rêvassant à partir du désordre qui s’accumule sur ma table, c’est criant, comment n’y ai-je pas pensé avant, le bol de café jouant le rôle d’un miroir, il suffit que je me penche sur mon bol, que je place un objectif en face de moi sous l’angle de vue convenable pour que mon appareil enregistre mon reflet dans une petite mare de café, mes deux mains autour, renouant ainsi avec un de mes thèmes préférés, le visage et la main, mieux même, associant l’image du visage dans le miroir et la présence des deux mains, renouvelant le dialogue, combien efficace, du miroir et de la réalité.
En outre, je me rends compte qu’en me peignant dans une situation dont l’évidence échappe le plus souvent à l’attention de celui qui boit un bol de café, j’invite le spectateur à prendre ma place pour s’amuser de la petite fiction que je lui soumets. Il en va ainsi de toute peinture, celui qui la regarde adopte le regard du peintre, mais ici, de la façon dont je donne à voir mon tableau, le spectateur ne peut ignorer qu’il se trouve à la place d’un autre. En l’occurrence cet autre est un Narcisse ordinaire qui se regarde dans un bol de café, la scène a lieu sur n’importe quelle table de cuisine, le miroir n’est pas fixé au mur mais posé sur une toile cirée.
Mes bols de café qui se rident à l’envi des reflets de mon visage, aucune galerie ne s’est encore risquée à les exposer, à les boire. Eh bien, je m’en fous.
En revenant à la raison, 2009