Fichier du 8 mai 2009
…mais oui, c’est un délice, je ne me prends plus pour un fou. Ça vient sûrement de ce pays tranquille, de la mer, là-bas, à vingt minutes de marche, de ma maison, une minuscule maison de pêcheur, ou de ramasseur de poireaux, un toit à la hauteur de mon attente, et d’un grand désespoir. Lorsque je mets ce toit de tuiles rouges sur ma tête, la vie ne se montre pas souvent rose.
(…)
Au début, je dors dans un grenier glacial, mal isolé, poussiéreux et plein de toiles d’araignées, mais sans blouse blanche qui fait sa ronde à minuit pour balayer devant elle nos rêves avec sa torche électrique. Et très vite, pour rompre la solitude qui me pèse quand le ciel reste gris trop longtemps, je vais offrir mes services à l’école communale, où il fait chaud. Avec l’accord de la directrice, et de l’instituteur, en sa présence, je donne le cours d’arts plastiques aux écoliers. Nous réussissons à peindre, à dessiner métaphoriquement, moi dans mon atelier, les enfants à l’école. S’il arrive que la théorie se montre hésitante, fantaisiste, toute personnelle, ayant trouvé joliment drôle que métaphore veuille dire en grec, après la lumière, les applications de la théorie, elles, emportent toutes les convictions. Comme quoi une théorie fausse peut s’appliquer correctement. Je leur fais voir comment le visage est aussi un paysage, le corps une géographie, nous regardons les arbres, les nuages, ce qu’ils ont de fabuleux. Avec enthousiasme, sages comme des images, par petits groupes, ils se portraiturent, s’autoportraiturent, aventurent des bonshommes sur des cartes routières, peinturlurent à l’envi des feuillages, barbouillent les aléas du ciel, reproduisent, aussi fidèlement que possible, l’église du village. Je leur parle des peintres que j’aime, qui m’inspirent, livres de reproductions, textes en main. Nous allons voir des expositions au Musée de Coutances. Je m’instruis et je m’amuse, rattrapé après trois ans de bénévolat par l’argent, par la stupidité des bureaucrates, empêché d’enseigner plus longtemps, parce que personne, tranche l’inspecteur d’académie, n’a le droit de remplacer l’instituteur pour le cours hebdomadaire d’arts plastiques. Désormais, les jours de ciel trop bas, je ronge mon frein.
Peu de temps après la rentrée, je rencontre le père d’une de mes petites élèves, qui me raconte en hochant la tête que sa fille a une nouvelle institutrice. La petite a ramené de l’école un coquetier en bois recouvert de pâte à sel. Certes, rien n’est plus beau que les travaux manuels, pensons-nous en silence, mais quand même…
De semaine en semaine, nous avons étudié la métaphore, nous aurions pu aborder la question du mimétisme. Dommage.