Presque tous mes travaux sont réalisés à partir de photographies que je prends moi-même. Elles ne sont que la première étape de mon travail, mais ces photos ont leur existence propre. C’est le cas des portraits et autoportraits que je peins depuis plus de quinze ans, avec perséverance, et une passion de plus en plus vorace. Pour moi, rien n’est aussi intéressant que le visage.
Parce que j’ai l’humeur vagabonde, je ne m’en tiens pas à un style toujours identique, qui s’impose par sa régularité, mais j’expérimente des manières différentes. Dès qu’une manière me réussit, je cherche ailleurs. Ainsi j’ai abandonné les autoportraits à la laque industrielle, troués, morcelés, pour les huiles fines tachées de pigments, et j’ai faire suivre les monotypes grands formats, par des acryliques de formats réduits. La dernière série, qui s’est amorcée au début de 2005, les autoportraits dans un bol de café, j’aime à dire, à moitié comme une plaisanterie, à moitié sérieusement, qu’il s’agit d’une première dans l’art de l’autoportrait.A supposer que je ne laisse pas de traces, j’aurai du moins fait avec ces peintures une petite vague à la surface de la fontaine où Narcisse, etc… Mais l’autoportrait déborde à mon avis le cadre très circonstancié de la légende de Narcisse, et en retour le portrait est parfois une façon de se peindre. Passons.
Il y a longtemps, mes travaux relevaient de ce que Dubuffet appelle l’art brut, une de ses inventions, pas la meilleure je le crains. Je ne renie pas cette partie de mon travail, même si j’ai renoué avec un métier plus savant. C’est le même état d’esprit qui conduit mes recherches d’aujourd’hui, esprit de révolte, j’y tiens, de découverte, pourquoi pas ? et certaines folies du temps de ma jeunesse continuent de faire leur petit bonhomme de chemin dans ma vie comme dans ma peinture, folies dont heureusement je ne viendrai jamais à bout.
Maintenant je rêve d’une exposition où mes travaux seraient accompagnés de texte. Cela me plairait. A la fois parce que ça donnerait à l’ensemble un petit air contemporain (pourtant les mots et les images ont une longue histoire en commun), mais aussi parce que de plus en plus souvent mes envies de peinture prennent d’abord forme avec les mots, comme si les mots rendaient les choses plus faciles. En réalité, le bavardage des mots et le silence de la peinture, ça ne cesse pas de gripper et d’emballer la machine. J’essaye de m’en accomoder, comme je cherche en peignant, à établir un contact immédiat, fulgurant si possible, avec le réel.
Francis Bérezné.
CV
Je suis né à Paris en 1946. Après mes études aux Beaux Arts de Paris, j’ai enseigné dans cette école comme chef de travaux pratiques. Je l’ai quittée dans les années soixante quinze, pour animer et créer des ateliers avec des fous et des autistes. J’ai entrepris des études de lettres au début des années quatre vingt, et j’ai obtenu un DEA de lettres modernes.
Aujourd’hui je vis et je travaille en Normandie.